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poser et prescrire la certitude morale ? Non, parce que la nature ne le veut pas, parce qu’elle n’est point revêtue de ce caractère d’évidence qui force la conviction de toute intelligence régulièrement organisée. Il ne faut ni contraindre, ni blesser ceux qui ne s’y rendent pas : il faut les excuser, les plaindre peut-être, surtout les éclairer. Vous ne pouvez sacrifier un seul cheveu de votre frère à la même croyance pour laquelle vous feriez bien d’exposer votre vie. » L’idée que Vinet se fait constamment de l’État est déjà exprimée. « Mais, dit-on, les institutions sociales présupposent des convictions universelles et agissent en conséquence. Il est plus juste de dire qu’elles reconnaissent des intérêts communs et qu’elles les réalisent ; qu’elles aperçoivent des relations naturelles, et qu’elles les servent et les protègent. »

Au reste, ce qu’il y a de plus caractéristique dans cette brochure de 1824, connue dans toute la doctrine de l’auteur sur ces sujets, c’est le respect même des opinions, c’est le besoin de les appeler à se former et à se prononcer, de leur ouvrir le champ clos de la discussion, de les convier à la recherche de la vérité ; c’est l’amour de la vérité, condition, chez Vinet, de cette tolérance qui si souvent repose, au contraire, sur l’indifférence pour la vérité ; c’est la proclamation du grand principe de la sincérité ; en un mot, c’est la thèse de la manifestation des convictions. « Il y a des personnes qui trouvent fort bien qu’on ait une opinion, et fort mauvais qu’on l’exprime. Pensez ce que vous voudrez, disent-elles, mais gardez-le pour vous. Changez si vous le trouvez bon,