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pas non plus le lieu de montrer pourquoi le catholicisme en est inévitablement resté à la conception abstraite et dualiste que nous avons caractérisée, et comment il était, au contraire, dans les tendances du protestantisme de sortir à tout prix de cette conception pour arriver à la pénétration réciproque de la raison et de la foi, de l’homme et du christianisme.

Vinet a eu quelque peine à se dégager du point de vue dont il vient d’être question. Dans les Discours de 1831, le rôle de la raison est encore pour lui quelque chose d’entièrement extérieur ; ce rôle consiste à administrer les preuves historiques de la révélation, puis à montrer la convenance de cette révélation avec l’immuable nature du cœur humain. Dans la seconde édition, le passage de la préface auquel nous faisons allusion a été modifié d’une manière significative. « La raison, y est-il dit, c’est-à-dire la nature des choses, sera toujours pour nous, à quelque point de vue que nous nous placions, le critère de la vérité et le point d’appui de la croyance. Il faudra toujours que la vérité hors de nous se mesure, se compare à la vérité qui est en nous ; à cette conscience intellectuelle qui, aussi bien que la conscience morale, est revêtue de souveraineté, rend des arrêts, connaît des remords ; à ces axiomes irrésistibles que nous portons en nous, qui font partie de notre nature, qui sont le support et comme le terrain de toutes nos pensées ; en un mot, à la raison. » Admirablement dit ! mais Vinet n’a garde, à l’époque dont nous parlons, de soumettre le contenu même du christianisme à cette mesure et à ce critère