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Schelling combat un autre préjugé, celui qui, donnant à l’enseignement pour unique but la transmission de la science, croit inutile que les hommes chargés de l’enseigner soient capables de l’enrichir eux-mêmes de leurs propres découvertes. Sa réponse n’admet pas de réplique. — S’imaginer que l’on puisse distinguer le professeur et le savant, la science et l’enseignement, et les séparer, c’est une erreur grossière, également funeste à l’un et à l’autre. En effet, 1o  pour transmettre la science il faut la comprendre. Un enseignement fait avec intelligence suppose un esprit juste et pénétrant, capable de saisir le sens et la portée des découvertes qu’il expose ; et plusieurs d’entre elles sont d’une nature telle que leur sens le plus profond ne peut être saisi que par un génie homogène ; 2o  les hautes sciences ne se transmettent pas. Les apprendre c’est les créer, les construira soi-même. L’esprit parcourt les mêmes voies, guidé par la méthode et les travaux antérieurs ; mais tout ce qu’il comprend il le découvre ; ce qu’il n’invente pas il ne le saura jamais. Ainsi fait-on dans les mathématiques et dans la philosophie. Pascal refaisant la géométrie n’est pas une exception ; c’est la règle personnifiée dans le génie. Et ailleurs, dans les sciences physiques, par exemple, partout l’élément rationnel n’est-il pas mêlé à l’expérience, l’idée au fait ? « Donc, celui qui vit dans la science comme dans un domaine étranger, qui ne la possède pas personnellement, et ne pourrait à chaque moment entreprendre de la créer de nouveau, est un maître