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L’animal était assis par terre. Autour de lui étaient éparpillées les planches d’un ouvrage d’histoire naturelle, qui n’avait pas été broché. Etonné de cette ardeur pour l’étude, dans l’ami de la maison, le maître s’approche ; il voit, à sa grande surprise et à son grand désespoir, que le friand animal avait dévoré tous les scarabées qu’il avait trouvés çà et là, représentés sur la planche.

Le spectateur. — L’histoire est assez plaisante.

L’avocat. — Et convient au sujet, j’espère. Vous ne placez cependant pas ces planches coloriées à côté du tableau d’un grand artiste.

Le spectateur. — Pas facilement.

L’avocat. — Mais comptez—vous cependant les singes parmi les amateurs ignorants.

Le spectateur. — Oui, et parmi les plus friands. À ce sujet, il me vient une singulière pensée, l’amateur ignorant ne devrait-il pas désirer qu’un objet d’art fût si naturel qu’il pût le savourer au sens propre, et assouvir sur lui sa friandise.

L’avocat. — C’est ma conviction.

Le spectateur. — Mais je sens toujours ici une contradiction. Vous m’avez déjà fait l’honneur de me compter au moins parmi les amateurs qui sont à moitié connaisseurs.

L’avocat. — Parmi les amateurs qui sont sur la voie de devenir connaisseurs.

Le spectateur. — Maintenant, dites-moi pourquoi un œuvre d’art parfait m’apparait-il en même temps comme une œuvre de la nature ?

L’avocat. — Parce qu’il s’accorde avec la partie excellente de notre nature, parce qu’il est surnaturel, mais non en dehors de la nature. Un ouvrage d’art parfait est une correction de l’esprit humain, et, dans ce sens encore, l’œuvre de la nature ; mais, comme il forme un seul tout harmo-