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être permis de colorier les statues ; et une figure de cire, avec des cheveux naturels, et peut-être avec les véritables habits de la personne représentée, devrait être préférée à la meilleure statue. Si l’on a pas été jusques-là, on a au moins quelquefois poussé l’amour de l’illusion jusqu’à recommander à la sculpture de ne pas représenter sous des formes colossales. Quand on envisage ainsi l’art, on ne doit pas se moquer de cet homme qui ne trouvait pas un buste ressemblant, parce que la personne, disait-il, avait très-certainement des mains et des pieds.

Dans la peinture, ce principe a quelque vraisemblance ; cependant, la peinture ne peut vouloir nullement l’illusion proprement dite, puisqu’elle n’a pas à sa disposition la véritable lumière ; elle ne peint la clarté répandue sur les objets que par un habile emploi du blanc et par la dégradation des autres couleurs. Il faudrait donc venir au secours de l’illusion par d’autres expédients, comme l’on fait, par exemple, dans un panorama, ou quand on rend parfaitement visible un paysage éclairé par les rayons de la lune. Un Chinois, à la vue de peintures anglaises, demanda si les personnages étaient réellement aussi sales qu’ils le paraissaient par l’effet de la lumière et des ombres. Cette question suffit pour vous faire remarquer que les tableaux, en réalité, ne produisent point l’illusion, que la manière de voir et l’habitude contribuent pour beaucoup à nous y faire trouver la vérité de l’apparence.

Ce principe a exercé la plus funeste influence sur la poésie dramatique et l’art théâtral qui en dépend.

On voit, d’après les exemples précédents, comment il tombe toujours dans le ridicule ou le repoussant, dès qu’on prend l’illusion au sérieux. On se rappelle ici l’histoire plaisante d’un artiste de l’ancienne Rome, qui savait imiter au naturel le grognement du cochon (dans les Fables de Phèdre). Un paysan voulut le surpasser au moyen d’un