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ART.

inconscient. Outre ce qu’il y a placé, évidemment à dessein, l’artiste parait avoir en même temps exposé instinctivement dans son œuvre un infini qu’aucune intelligence n’est capable de développer entièrement. Rendons ceci plus clair par un exemple. Il est incontestable que la mythologie grecque renferme un sens infini et des symboles pour toutes les idées ; elle s’est élevée au sein d’un peuple, d’une manière qui ne permet pas de supposer un dessein clairvoyant à l’invention et à l’harmonie en vertu desquelles son ensemble a été réuni en un grand tout. Il en est de même de tout œuvre d’art véritable, tout, comme s’il y avait une infinité de desseins, y étant susceptible d’une exposition infinie, de sorte qu’on ne saurait jamais dire si cet infini est dans l’artiste, ou ne se trouve que dans son œuvre. Au contraire, dans le produit qui prend faussement le titre d’œuvre d’art, le dessein et la règle se trouvent à la surface et paraissent si bornés, que le produit n’est autre chose que l’expression fidèle de l’activité consciente de l’artiste et est un objet pour la réflexion seulement, mais non pour l’intuition, qui aime à se perdre dans les profondeurs de son objet et ne peut trouver de repos que dans l’infini.

Toute production esthétique provient du sentiment d’une contradiction infinie. Le sentiment qui accompagne la perfection de l’œuvre d’art, doit être celui d’une satisfaction infinie, et doit passer dans l’œuvre d’art. L’expression extérieure d’une œuvre