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tie (je veux dire ce qui, dans l’art, est opéré avec conscience, réflexion et délibération, ce que l’on enseigne et ce que l’on apprend, ce qui peut être transmis par tradition et acquis par un exercice particulier), nous devons chercher, dans l’activité qui est sans conscience, ce qui entre spontanément dans l’art, sans être appris, ce que l’on ne peut acquérir ni par exercice, ni d’aucune autre manière, ce que nous appelons, en un mot, la poésie.

Il en résulte qu’il serait oiseux de demander laquelle de ces deux parties est supérieure à l’autre ; puisque, dans le fait, elles n’ont l’une sans l’autre aucune valeur, et que ce n’est que réunies qu’elles produisent ce qu’il y a de plus élevé. Quoique l’on considère en général comme supérieure la partie qui ne s’acquière pas par l’exercice, et qui est innée en nous, les Dieux ont attaché indissolublement l’exercice de cette force originelle au travail opiniâtre des hommes, à l’étude et à la réflexion ; de sorte que la poésie sans l’art n’enfante que des produits bruts, qui ne peuvent procurer de jouissance à aucun entendement humain, et qui, par la force aveugle qui s’y montre agissante, éloignent d’eux le jugement et même l’intuition.

L’art a plutôt la faculté de produire sans la poésie, que la poésie sans l’art ; d’abord, parce qu’il est difficile de trouver un homme privé par la nature de toute poésie, quoiqu’il y en ait beaucoup qui soient sans art, ensuite parce que l’étude des grands maî-