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lutte intime, le délivre, avec une égale générosité, de ta souffrance qu’elle entretient. Et, en effet, de même que l’artiste, poussé involontairement à produire, lutte contre une résistance qu’il rencontre en lui (de là, chez les anciens, l’expression pati Deum, etc., et l’idée d’inspiration par un souffle étranger), de même l’objectif arrive à se produire sans son consentement, c’est-à-dire d’une manière purement objective. De même que l’homme qui obéit au destin exécute, non ce qu’il veut ou ce qu’il avait projeté, mais ce qu’il doit exécuter dans les desseins d’une destinée incompréhensible à laquelle il obéit, de même l’artiste, quelle que soit son intention à l’égard de ce qui est proprement objectif dans sa production, parait être sous l’influence d’une force qui le sépare de tous les autres hommes, et le contraint à exprimer même des choses qu’il ne perçoit pas complètement, et dont le sens est infini. La rencontre absolue de ces deux activités qui se fuient n’étant plus explicable, mais n’étant qu’un phénomène qui ne peut être nié, tout incompréhensible qu’il soit, l’art est la révélation unique et éternelle de cette force suprême, et la merveille qui doit nous convaincre de sa réalité absolue.

De plus, si l’art est accompli par deux activités tout-à-fait distinctes l’une de l’autre, le génie n’est ni celle-ci, ni celle-là, il est ce qui plane au-dessus d’elles. Si, dans l’une de ces activités, celle qui a conscience, nous devons chercher ce que l’on nomme vulgairement l’art, quoique ce n’en soit qu’une par-