Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faits et se traîne péniblement sur les expériences, qui, contestant au génie sa faculté divinatrice, et à la raison ses conceptions a priori, coupe les ailes à la pensée et refuse à l’esprit la puissance qu’il a de devancer souvent l’observation, de la féconder toujours ; qui, en tout, préconise la pratique, dénigre la spéculation et ne sait apprécier les résultats de la science qu’en les soumettant à la règle de l’utile. Il n’attaque pas avec moins de véhémence et de succès un autre genre de rationalisme, en apparence plus recommandable, qui, cherchant à tout ramener au but religieux et moral, conteste à la science et aux arts le privilège d’avoir, en eux-mêmes, leur fin propre, méconnaît leur vraie destination, celle de poursuivre la vérité et de réaliser le beau, leur ôte ainsi la liberté, qui est leur vie même, et sans laquelle ils ne peuvent ni enfanter de grandes découvertes ni produire des œuvres originales. Toutes ces prétentions et ces tendances ne sont, malheureusement, pas propres à l’époque et à la nation chez lesquelles l’auteur les signale et les dénonce. Elles ont pris parmi nous, dans les idées et les mœurs contemporaines, une force, une universalité qu’elles étaient loin d’avoir alors, quand des hommes comme Fichte, Schelling, Goëthe, Jean Paul et tant d’autres, protestaient contre elles par leur éloquente parole, et, plus encore, par leurs œuvres et l’autorité de leur génie. Elles ne sont pas, comme alors, le partage exclusif des esprits bornés et vulgaires ; elles ont gagné les plus rares intelligences ;