Page:Schelling - Écrits philosophiques, 1847, trad. Bénard.djvu/482

Cette page a été validée par deux contributeurs.

déterminé où toute la grande épopée des temps modernes, qui jusqu’à présent se manifeste encore rapsodiquement et dans des productions particulières, apparaîtra comme un tout complet, la loi nécessaire de la poésie moderne est que l’individu se forme un tout de la partie du monde qui s’offre à lui, et que, des faits et des idées de son temps, il se crée sa propre mythologie. Car, de même que le monde ancien est, en général, le monde des races, le monde moderne est celui des individus. Là, le général est véritablement le particulier ; la race agit comme individu, Ici, au contraire, on part de l’individu, et la particularité doit se convertir en généralité. Dans le monde ancien, par conséquent, tout est durable, invariable ; le nombre n’a presqu’aucune puissance, parce que l’idée générale s’identifie avec la personne de l’individu. Dans le monde moderne, la mobilité, le changement, est la loi permanente. Un cercle, non pas invariablement tracé, mais que l’on peut étendre à l’infini, renferme les déterminations de l’individu. Et comme, cependant, l’essence de la poésie est l’universalité, il faut que celui-ci, par la plus haute personnalité, se fasse de nouveau universel, retrouve le caractère absolu, au moyen de la plus parfaite particularité. Aussi, par le caractère entièrement indépendant de son poëme, qui ne peut se comparer à aucun autre, Dante est le créateur de l’art moderne, qui ne peut se concevoir sans cette nécessité arbitraire et sans cet arbitraire nécessaire.