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fusion parfaite des deux éléments, qui nous fait douter si c’est la grâce morale ou sensible qui nous ravit dans ce poète. Il en est de même des représentations plastiques du style encore sévère, comparées à celles du style plus tardif que caractérise la douceur.

Si la grâce, outre qu’elle est la glorification de l’esprit qui anime la nature, est encore le moyen qui sert à lier la bonté morale avec la manifestation sensible, il est évident que l’art doit converger en tout sens vers elle comme vers son point central. Cette beauté, qui naît de la parfaite fusion du caractère moral avec la grâce sensible, nous saisit et nous ravit avec la puissance d’un prodige, là où nous la trouvons. Car, puisque l’esprit qui se développe dans la nature physique se montre d’ailleurs partout comme indépendant de l’âme, et même, en quelque sorte, comme opposé à elle, il parait ici se fondre avec l’âme comme par un libre accord, et comme par le feu intérieur de l’amour divin. Le souvenir de l’unité originelle de l’essence de la nature et de celle de l’âme apparaît comme une clarté soudaine à l’esprit du spectateur, et, en même temps, la certitude que toute opposition n’est qu’apparente, que l’amour est le lien de toutes choses, et que le bien absolu est le principe et le fond de toute la création.

Ici, l’art s’élève, pour ainsi dire, au-dessus de lui-même et se sert, en quelque sorte, à lui-même de moyen. À ce point culminant, la grâce sensible devient aussi une simple enveloppe et un corps pour