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doivent être déjà modérées par la nature humaine y par la puissance de l’esprit. Mais il existe des situations élevées où, non pas seulement une faculté particulière, mais la raison humaine elle-même rompt toutes les digues. Il y a même des cas où l’âme elle-même, par le lien qui l’unit à l’existence sensible, est soumise à la douleur, qui est étrangère à sa nature divine, où l’homme est combattu, non-seulement par les forces de la nature, mais par les puissances morales et se sent saisi à la racine de la vie, où une erreur innocente l’entraîne dans le crime, et par là dans le malheur, injustice profondément sentie, qui soulève les sentiments les plus saints de l’humanité. C’est ce qui a lieu dans toutes les situations tragiques, au sens élevé du mot, telles que nous les offre le théâtre ancien. Si ce sont les passions aveugles qui sont soulevées, alors la simple raison est là pour servir de sauve-garde à la beauté. Mais si c’est l’esprit lui-même qui est déchiré comme par une puissance fatale, quelle puissance protégera la sainte beauté et veillera sur elle ? Si l’âme partage elle-même les souffrances du corps, où cherchera-t-elle son salut contre la douleur ? comment évitera-t-elle d’être profanée ?

Refouler arbitrairement la force de la douleur ou la violence des passions, serait pécher contre le sens et le but de l’art, et trahirait un défaut de sensibilité et d’âme dans l’artiste lui même. Par cela seul que la beauté ayant pour base des formes larges et solides