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la réalité, il se trouve que, même avec cette doctrine, la manière d’envisager la nature comme simple effet, et les choses qu’elle renferme comme objets privés de vie y subsista toujours, et que l’idée d’une nature vivante, créatrice, n’était par là nullement éveillée. Dès lors, ces formes idéales ne pouvaient être vivifiées par aucune connaissance positive de leur essence. Car si les formes de la nature réelle étaient mortes pour des observateurs morts, celles de l’art ne l’étaient pas moins. Si les premières n’étaient pas engendrées par une force libre, il en était de même des secondes. L’objet de l’imitation fut changé, l’imitation resta. A la place de la nature vinrent les beaux ouvrages de l’antiquité, dont les disciples s’attachaient à saisir la forme extérieure, mais sans l’esprit qui les anime. Or, ils sont d’un abord plus difficile que les œuvres de la nature elle-même. Ils vous laissent encore plus froids que celles-ci, si vous ne cherchez pas à pénétrer leur enveloppe avec l’œil de l’esprit, et à saisir en eux la force qui les vivifie.

D’un autre côté, les artistes conservèrent, il est vrai, une certaine tendance idéale et des notions vagues d’une beauté supérieure à la matière ; mais ces idées étaient comme de belles paroles auxquelles les actions ne répondent pas. Si la manière précédente de traiter l’art avait produit des corps sans âme, la conception nouvelle apprenait seulement le secret de l’âme, mais non celui du corps. Comme il arrive toujours, la théorie fût poussée rapidement jusqu’à l’extrême