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telligences. C’est par ce qu’elles ont de vrai que les doctrines philosophiques s’établissent et se soutiennent, comme c’est par leurs erreurs qu’elles succombent. Mais encore faut-il s’entendre sur la manière de dérober aux systèmes la vérité qu’ils recèlent, qui a fait leur vie et leur force.

Qu’on ne s’imagine pas qu’il n’y ait ici qu’à prendre, a démêler, à choisir, pour se parer ensuite de ces emprunts et se revêtir de ces dépouilles opimes, facilement conquises sur les héros de la pensée. Non ; pour cela, il faut être soi-même un de ces héros, c’est-à-dire avoir assez de génie pour créer, de toutes pièces, un système plus fort et plus vrai que le leur, et par lequel vous puissiez les vaincre. Mais n’espérez jamais, par un choix habile, vous approprier la pensée de ces grands hommes et les idées qui font la base de leurs systèmes, encore moins, par une combinaison savante, les coordonner à un système nouveau.

Ne confondez pas, en effet, les vérités éparses dans les systèmes avec ces idées mères et génératrices. Celles-ci ne se choisissent pas, elles s’absorbent dans une idée supérieure. Or, cette idée ne naît pas elle-même à la suite d’une opération judicieuse de l’entendement où l’on aura déployé plus ou moins de patience et de sagacité. Elle ne s’évoque pas non plus par une autre opération qui rappelle l’œuvre des magiciennes ; elle se forme dans la tête d’un homme de génie en commerce intime avec l’esprit de son siècle. Une fois née, elle s’y développe, par le travail d’une réflexion