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et faussé le coup d’œil de la critique. Winckelmann, dont Schelling fait ici un magnifique éloge, sentit le premier leur insuffisance ; il eut la pensée de considérer l’art d’après le procédé et les lois que suit la nature dans ses œuvres ; et il jeta ainsi les fondements d’une véritable histoire de l’art. Néanmoins malgré son sens inné du beau, qui lui a fait retrouver la beauté antique, il conçoit encore les deux termes comme séparés. Au moins n’a-t-il pas saisi clairement le lien qui les unit. Quant à ses successeurs, il n’ont pas compris la pensée de ce grand homme ; ils sont retombés du principe grossier de l’imitation de la nature dans celui de l’imitation non moins servile des ouvrages de l’antiquité.

L’art véritable est celui qui se place entre les deux extrêmes ; qui, au lieu d’isoler les deux termes, la forme et l’idée, sait les réunir par un lien vivant, comme le fait la nature elle-même dans ses œuvres. Chez les êtres de la nature, la matière n’est pas séparée de la vie, ni la vie séparée de la matière ; la vie anime toutes les parties de l’organisme, les remplit et les pénètre ; elle est répandue dans tous les membres. Ainsi doit il en être dans les œuvres de l’art.

L’imitation de la nature est une maxime vraie, mais non telle qu’elle est vulgairement comprise, quand on regarde la nature comme un ensemble d’existences corporelles privées de vie, ou comme un simple mécanisme mû par des ressorts, des agents et des forces capables de lui imprimer le mouvement.