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plus opposé à la philosophie, qui a pour objet la vérité ? Le philosophe doit renier l’art comme artisan de mensonges, comme nous transportant dans un monde de chimères et de fictions. Son effet, d’ailleurs, n’est-il pas d’énerver et d’amollir les âmes ?

Schelling ne s’arrête pas à démontrer longuement la fausseté de ces assertions puisées dans de vulgaires préjugés ; il leur oppose une idée plus vraie de l’art et de sa mission. L’art n’a pas moins que la philosophie pour objet l’immortelle et invisible vérité ; c’est elle qu’il montre à travers ses images et ses emblèmes, et il s’adresse à l’esprit par l’intermédiaire des sens. Il est une révélation des idées divines ; loin d’énerver l’âme il épure ses sentiments, il la transporte dans un monde idéal et l’initie à ses mystères ; cette initiation a pour résultat de purifier les passions que réveille leur vivant tableau. Son effet est moral et même religieux.

Mais le divin Platon n’a-t-il pas banni les poètes de sa République ? — On a mal compris le sens de cet arrêt du roi des philosophes ; ce qu’il condamne, c’est l’art grec et la mythologie payenne, qui, en effet ont trop sacrifié au culte de la forme et trop flatté les sens. Si Platon eût connu l’art chrétien et la poésie chrétienne, loin de les proscrire il les eût accueillis avec enthousiasme. Il faut bien plutôt voir dans cet arrêt le pressentiment et comme la prophétie d’un art nouveau, essentiellement spiritualiste et destiné à représenter l’infini dans ses œuvres. Ce qui prouve