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spécial, ce serait celui de retracer la réalisation progressive du droit cosmopolite. Kant lui-même, qui a conçu le plan de l’histoire au point de vue d’un citoyen du monde, considère encore l’enchaînement logique des événements, sans les rattacher à des lois absolues. L’histoire doit marcher librement, dégagée de toute préoccupation et de toute fin particulière, reproduira le développement harmonique et simultané de la pensée divine sous toutes ses faces. Le vrai point de vue de l’histoire, qui seul conserve ce caractère absolu, c’est celui de l’art. L’histoire offre une affinité intime avec l’art. Il existe un art historique.

L’histoire présente, dans la succession des événements, les idées par lesquelles se manifeste la pensée divine ; elle est le miroir de l’esprit universel. Mais ces idées ne s’offrent pas sous une forme abstraite comme dans la philosophie ; elles sont identifiées avec les événements, les personnages et leurs actions ; c’est la synthèse de l’idéal et du réel. Or, cette fusion intime du réel et de l’idéal, elle s’opère surtout dans l’art qui représente les idées sous des formes réelles et vivantes. L’histoire est une épopée conçue dans l’esprit de Dieu ; c’est un drame merveilleux. Donc, pour le représenter, il faut être soi-même un artiste : savoir, tout en restant fidèle à la réalité, disposer et grouper les événements, les présenter sous une forme dramatique qui mette en relief l’élément significatif, fasse ressortir l’idée, sans toutefois l’abstraire ni la