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dans sa généralité, nous parait aussi vrai que fortement pensé. Mais nous maintenons ce qui a été dit plus haut.

Le scepticisme religieux, qui était la conséquence du rationalisme kantien, devait contribuer à fortifier cet autre préjugé : que la philosophie, c’est-à-dire la réflexion, ramenant l’homme sur lui-même, lui apprend à connaître sa pensée, sa nature subjective, mais ne peut le faire sortir de lui-même, le conduire à rien d’absolu, par conséquent à Dieu. Ou l’homme ne peut retrouver Dieu exclu de sa conscience, qu’en substituant à la réflexion le sentiment. Il y a donc, entre la religion et la philosophie, la même opposition qu’entre le sentiment et la réflexion. Tel est, comme on sait, le fond de la doctrine de Jacobi. La réponse est facile. La raison n’est point contenue tout entière dans la réflexion, pas plus que dans le raisonnement. L’acte primitif de la raison est intuitif. La raison, cette faculté supérieure, saisit l’absolu par une opération immédiate de la pensée, par l’intuition intellectuelle. C’est dégrader la raison que de l’abaisser au niveau du sentiment. En vain dira-t-on que cette opération de la pensée est encore réfléchie, le sujet se distinguant toujours de l’objet dans la conscience qu’il a de lui-même et de sa propre pensée. — C’est l’attribut de la pensée de se savoir. Vouloir le lui ôter c’est détruire l’intelligence humaine et lui ravir sa prérogative ; c’est prêcher la supériorité de l’instinct sur la raison, élever la brute au-dessus de