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D’UN LIÈVRE.

I


Où la Pie essaye d’entrer en matière. — Quelques réflexions philosophiques et préliminaires du Lièvre, héros de cette histoire. — La dernière chasse de Charles X. — Notre héros est fait prisonnier. — Théorie des Lièvres sur le courage.


Je m’étais un soir de cette semaine, oubliée sur un monceau de pierres, et je méditais les derniers vers d’un poëme en douze chants que je consacre à la défense des droits méconnus de notre sexe, quand je vis accourir entre les deux raies d’un pré un Levraut de ma connaissance, arrière-petit-fils du héros de mon histoire.

« Madame la Pie, me cria-t-il tout haletant, grand-père est là bas au coin du bois, et il m’a dit : Va chercher bien vite notre amie la Pie… et je suis venu.

— Tu es un gentil petit Lièvre, lui répondis-je en lui donnant sur la joue un coup d’aile amical ; c’est bien de faire comme cela les commission de son grand-père. Mais si tu cours toujours si vite, tu finiras par te rendre malade.

— Ah ! me répondit-il en me regardant tristement, je ne suis pas malade, moi, c’est grand-père qui l’est ! le Lévrier du garde champêtre l’a mordu… c’est ça qui fait peur ! »

Il n’y avait pas de temps à perdre ; en deux sauts je fus auprès de mon malheureux ami, qui me reçut avec cette cordialité qui est la politesse de bons Animaux.

Sa patte droite était supportée par une écharpe faite à la hâte de deux brins de jonc ; sa pauvre tête, sur laquelle on