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VOYAGE D’UN LION D’AFRIQUE

s’abaisser jusqu’à la fourberie, et la franchise est plus habile que la dissimulation. Cet Ours, assez simple, devina sur-le-champ ma pensée, et me répondit sans détours que les Lions de Paris vivaient en des régions tropicales où l’asphalte formait le sol et où les vernis du Japon croissaient, arrosés par l’argent d’une fée appelée conseil général de la Seine. Allez toujours devant vous, et quand vous trouverez sous vos pattes des marbres blancs sur lesquels se lit ce mot : Seyssel ! un terrible mot qui a bu de l’or, dévoré des fortunes, ruiné des Lions, fait renvoyer bien des Tigres, voyager des Loups-Cerviers, pleurer des Rats, rendre gorge à des Sangsues, vendre des Chevaux et des Escargots !… quand ce mot flamboyera, vous serez arrivé dans le quartier Saint-Georges où se retirent ces Animaux ?

« — Vous devez être satisfait, dis-je avec la politesse qui doit distinguer les ambassadeurs, de ne point trouver votre maison qui règne dans le Nord, les Oursakoff, ainsi travestis ?

« — Pardonnez-moi, reprit-il. Les Oursakoff ne sont pas plus épargnés que vous par les railleries parisiennes. J’ai pu voir, dans une imprimerie, ce qui s’appelle un Ours imitant notre majestueux mouvement de va-et-vient, si convenable à des gens réfléchis comme nous le sommes vers le Nord, et le prostituant à mettre du noir sur du blanc. Ces Ours sont assistés de Singes qui grapillent des lettres, et ils font ce qu’ici les savants nomment des