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À PARIS.

mopolite voulait finir ses jours tranquillement, et, comme on dit, en bon Toscan de Léonie, mourir dans sa tanière. Aussi les craquements de son trône le rendaient-ils songeur. Quand Leurs Altesses les Lionceaux le contrariaient un peu trop, il supprimait les distributions de vivres, et les domptait par la famine ; car il avait appris, dans ses voyages, combien on s’adoucit en ne prenant rien. Hélas ! il avait retourné cette grave question sur toutes ses dents. En voyant la Léonie dans un état d’agitation qui pouvait avoir des suites fâcheuses, le Cosmopolite eut une idée excessivement avancée pour un Animal, mais qui ne surprit point les cabinets à qui les tours de passe-passe par lesquels il se recommanda pendant sa jeunesse étaient suffisamment connus.

Un soir, entouré de sa famille, il bâilla plusieurs fois et dit ces sages paroles : « Je suis véritablement bien fatigué de toujours rouler cette pierre qu’on appelle le pouvoir royal. J’y ai blanchi ma crinière, usé ma parole et dépensé ma fortune, sans y avoir gagné grand’chose. Je dois donner des os à tous ceux qui se disent les soutiens de mon pouvoir ! Encore si je réussissais ! Mais tout le monde se plaint. Moi seul, ne me plaignais pas, et voilà que cette maladie me gagne ! Peut-être ferais-je mieux de laisser aller les choses et de vous abandonner le sceptre, mes enfants ! Vous êtes jeunes, vous aurez les sympathies de la jeunesse, et vous pourrez vous débarrasser de tous les Lions mécontents en les éconduisant à la victoire. »