Page:Scènes de la vie privée et publique des animaux, tome 1.djvu/568

Cette page a été validée par deux contributeurs.
362
VOYAGE D’UN LION D’AFRIQUE

lourdes, qu’il fit crier les Moutons en les croquant. De cette complaisance universelle, lui vint son surnom de Cosmopolite, ou l’ami de tout le monde. Une fois sur le trône, il a voulu justifier la jurisprudence des Lions par cet admirable axiome : Prendre, c’est apprendre. Et il passe pour un des monarques les plus instruits. Ce qui n’empêche pas qu’il déteste les lettres et les lettrés. « Ils embrouillent encore ce qui est embrouillé, » dit-il.

Il eut beau faire, le peuple voulut devenir savant. Les griffes parurent menaçantes sur tous les points du désert. Non-seulement les sujets du Cosmopolite faisaient mine de le contrarier, mais encore sa famille commençait à murmurer. Les jeunes Altesses Griffées lui reprochaient de s’enfermer avec un grand Griffon, son favori, pour compter ses trésors sans admettre personne à les voir.

Ce Lion parlait beaucoup, mais il agissait peu. Les crinières fermentaient. De temps en temps, des Singes, perchés sur des arbres, éclaircissaient des questions dangereuses. Des Tigres et des Léopards demandaient un partage égal du butin. Enfin, comme dans la plupart des Sociétés, la question de la viande et des os divisait les masses.

Déjà plusieurs fois le vieux Lion avait été forcé de déployer tous ses moyens pour comprimer le mécontentement populaire en s’appuyant sur la classe intermédiaire des Chiens et des Loups-Cerviers, qui lui vendirent un peu cher leur concours. Trop vieux pour se battre, le Cos-