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À QUOI TIENT LE CŒUR D’UN LÉZARD.

L’orage allait éclater, et il fallait rentrer. — J’ai un palais et tu n’as qu’une chaumière, lui dit-il, mais mon palais est si petit, que ta chaumière vaut mieux que mon palais. Puisque dans ta chaumière il y a place pour deux, veux-tu m’en céder la moitié ?

— Si je le veux ! répondit la bienheureuse Lézarde ; et elle le conduisit triomphante à sa grotte, dont l’entrée était cachée à dessein par quelques feuilles d’alléluia, de bois gentil et de romarin.

L’emménagement fut bientôt fait, car il n’emporta rien que sa personne. Quand il entra chez son amie, il trouva une petite demeure si bien tenue et si parfaitement disposée, que c’était assurément la plus agréable lézardière du monde. Mon Lézard, qui aimait les jolies choses et les choses élégantes, admira le bon goût qui avait présidée à l’ameublement de cette gentille caverne. Elle était divisée en deux parties : l’une était plus grande que l’autre, et c’était là qu’on allait et venait ; l’autre était garnie de duvet de chardon bénit et de fleur de peuplier, et c’était là qu’on dormait.

Il mit le comble à la joie de sa compagne en l’accablant de compliments. Il est si bon d’être loué par ce qu’on aime.

Le bonheur ne tient guère de place, car ce jour-là il semblait s’être réfugié tout entier dans ce charmant réduit. Où n’entrerait-il pas s’il le voulait, puisqu’il est si petit ?