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À QUOI TIENT LE CŒUR D’UN LÉZARD.

vait seul exprimer convenablement ce qu’il sentait. Telle était son innocence, qu’il ne s’était jamais rendu compte de l’état de son cœur.

Sans doute il lui plaisait de ne rien faire et de vivre au printemps, et de regarder fleurir les fleurs naturelles par un beau jour, ou bien d’aller, de venir et de revenir, et de courir en liberté au milieu de l’herbe embaumée après les fils de la bonne Vierge, ces blanches toiles d’Araignée que le ciel envoie toutes garnies de Mouches excellentes à ses Lézards privilégiés. — Il aimait aussi la chasse aux Sauterelles, et écoutait volontiers la vieille chanson des Cigales, quand il ne préférait pas les manger, dans l’intérêt des fleurs ses amies.

Mais ce qu’il aimait par-dessus tout, et de toutes ses forces ; et autant que Lézard peut aimer, c’était le soleil. Le soleil ! dont Satan lui-même devint à la fois amoureux et jaloux. — « Quand le soleil était là, il était tout entier au soleil et ne pouvait songer à autre chose. Dès le matin, vous l’eussiez vu paraître sans bruit sur le seuil de sa demeure, se tourner doucement, ainsi que l’héliotrope, son frère en amour, vers ce roi des astres et des cœurs que les poëtes, et, parmi les poëtes, les aveugles eux-mêmes ont chanté ; et là, couché sur la pierre brûlante, son âme ravie se fondait sous les rayons d’or de son bien-aimé. Heureux, trois fois heureux ! Il dormait tout éveillé et réalisait ainsi les doux mensonges des rêves.