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PRIS AU PIÉGE.

découverte me trouva préparé. Je souffris sans me plaindre, et non sans quelque espérance.

Les amants malheureux en ont toujours un peu, surtout quand ils disent qu’ils n’en ont plus.

Un jour que, selon ma coutume, je rôdais silencieusement autour de la ferme, je fus témoin caché d’une scène qui rendit mon chagrin plus inconsolable, sans ajouter au faible espoir que je m’obstinais à nourrir encore. Je connais trop bien, pour mon malheur, les effets de l’amour pour supposer que les mauvais traitements puissent l’éteindre ou même l’affaiblir. Quand la personne est bien disposée, cela produit presque invariablement l’effet contraire.

Or, Monsieur, cet Animal stupide frappait d’ongle et de bec ma bien-aimée Cocotte, et moi, j’étais là, obligé de subir cet affreux spectacle. Le besoin de venger celle que j’aimais cédait à la crainte de la compromettre publiquement, et aussi, il faut l’avouer, à celle de voir mon secours repoussé par l’adorable cruelle que je serais venus défendre sans son consentement. Je souffrais plus qu’elle, vous le comprenez, et ce n’était pas même sans quelque amertume que je lisais dans ses yeux l’expression d’une résignation absolue et entêtée, J’aurais de bon cœur dévoré ce manant ; mais elle, hélas ! dans quelle douleur n’eût-elle pas été plongée !

Cette pensée, que je sacrifiais mon ressentiment à son bonheur, me rendit la patience de tout voir jusqu’au bout,