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D’UN PAPILLON

« Il faut que je meure ou que je voyage ! s’écria-t-il.

— Ne meurs pas, lui dis-je, et voyageons. »

Soudain la vie lui revint, il déploya ses ailes ranimées, et nous partîmes pour Baden.

Vous dire sa folle joie au départ, ses ravissements, ses extases, cela est impossible ; il était si radieux, si léger, que moi, pauvre insecte dont les chagrins ont affaibli les ailes, j’avais peine à le suivre.

Il ne s’arrêta qu’à Château-Thierry, non loin des bords vantés de la Marne qui virent naître La Fontaine.

Ce qui l’arrêta, vous le dirai-je ? ce fut une humble Violette qu’il aperçut au coin d’un bois. « Comment ne pas t’aimer, lui dit-il, petite Violette, toi si douce et si modeste ? si tu savais comme tu as l’air modeste et charmant, comme tes jolies feuilles vertes te vont bien, tu comprendrais qu’il faut t’aimer. Sois bonne, consens à être ma sœur chérie, vois comme je deviens calme et reposé près de toi ! Que j’aime cet arbre qui te protège de son ombre, cette paisible fraîcheur et ce parfum d’honneur qui t’environnent ; que tu fais bien d’être bleue et gracieuse et cachée ! Si tu m’aimais, quelle douce vie que la nôtre !

— Sois une pauvre fleur comme moi, et je t’aimerai, lui dit la fleur sensée ; et quand l’hiver viendra, quand la neige couvrira la terre, quand le vent sifflera tristement dans les arbres dépouillés, je te cacherai sous ces feuilles que tu aimes, et nous oublierons ensemble le temps et ses