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D’UN PAPILLON

à coup. Je crus un instant que mes conseils avaient fructifié, mais je ne tardai pas à reconnaître que ce que j’avais pris pour de la sagesse, c’était une maladie, une véritable maladie pendant laquelle il semblait sous le poids d’un engourdissement général. Il demeura de quinze à vingt jours sans mouvement, comme s’il eût dormi d’un sommeil léthargique. « Qu’éprouves-tu ? lui disais-je quelquefois. Qu’as-tu mon cher enfant ? — Rien, me répondait-il d’une voix altérée, rien, ma bonne gouvernante ; je ne saurais remuer, et pourtant je sens en moi des élans inconnus ; le malaise qui m’accable n’a pas de nom, tout me fatigue : ne me dis rien, c’est bon de se taire et de ne pas remuer. »

Il était méconnaissable. Sa peau, d’un jaune pâle, avait l’apparence d’une feuille sèche ; cette vie vraiment insuffisante ressemblait tant à la mort, que je désespérais de le sauver, quand un jour, par un soleil resplendissant, je le vis se réveiller peu à peu, et bientôt la guérison fut entière. Jamais transformation ne fut plus complète ; il était grand, beau et brillant des plus riches couleurs. Quatre ailes d’azur à reflets charmants s’étaient comme par enchantement posées sur ses épaules, de gracieuses antennes se dressaient sur sa tête, six jolies petites pattes bien déliées s’agitaient sous un fin corselet de velours tacheté de rouge et de noir ; ses yeux s’ouvrirent, son regard étincela, il secoua un instant ses ailes légères, la Chrysalide avait disparu, et je vis le Papillon s’envoler.