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D’UNE CHATTE ANGLAISE.

de l’argent, et nous n’en aurions, dit-il, qu’une seule de le dépenser. Enfin il savait la musique et pouvait donner des leçons. En effet, il me chanta, sur un mode qui arrachait l’âme, une romance nationale de son pays : Au clair de la lune…

En ce moment, plusieurs Chats et des Chattes amenés par Puck me virent quand, séduite par tant de raisons, je promettais à ce cher Brisquet de le suivre dès qu’il pourrait entretenir sa femme confortablement.

— Je suis perdue ! m’écriai-je.

Le lendemain même, le banc des Doctors commons fut saisi par le vieux Puff d’un procès en criminelle conversation. Puff était sourd : ses neveux abusèrent de sa faiblesse. Puff, questionné par eux, leur apprit que la nuit je l’avais appelé par flatterie : Mon petit Homme ! Ce fut une des choses les plus terribles contre moi, car jamais je ne pus expliquer de qui je tenais la connaissance de ce mot d’amour. Milord, sans le savoir, fut très-mal pour moi ; mais j’avais remarqué déjà qu’il était en enfance. Sa Seigneurie ne soupçonna jamais les basses intrigues auxquelles je fus en butte. Plusieurs petits Chats, qui me défendirent contre l’opinion publique, m’ont dit que parfois il demande son ange, la joie de ses yeux, sa darling, sa sweet Beauty ! Ma propre mère, venue à Londres, refusa de me voir et de m’écouter, en me disant que jamais une Chatte anglaise ne devait être soupçonnée, et que je mettais bien de l’amertume dans ses vieux jours. Mes sœurs, jalouses de