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PEINES DE CŒUR

nais rien à ces incertitudes fondées sur des différences purement physiques.

Enfin, un jour, un vieux pair d’Angleterre lui dit en me voyant : « Vous avez une bien jolie Chatte, elle vous ressemble, elle est blanche, elle est jeune, il lui faut un mari, laissez-moi lui présenter un magnifique Angora que j’ai chez moi. »

Trois jours après, le pair amena le plus beau Matou de la Pairie. Puff, noir de robe, avait les plus magnifiques yeux, verts et jaunes, mais froids et fiers. Sa queue, remarquable par des anneaux jaunâtres, balayait le tapis de ses poils longs et soyeux. Peut-être venait-il de la maison impériale d’Autriche, car il en portait, comme vous voyez, les couleurs. Ses manières étaient celles d’un Chat qui a vu la cour et le beau monde. Sa sévérité, en matière de tenue, était si grande, qu’il ne se serait pas gratté, devant le monde, la tête avec la patte. Puff avait voyagé sur le continent. Enfin il était si remarquablement beau, qu’il avait été, disait-on, caressé par la reine d’Angleterre. Moi, simple et naïve, je lui sautai au cou pour l’engager à jouer, mais il s’y refusa sous prétexte que nous étions devant tout le monde. Je m’aperçus alors que le pair d’Angleterre devait à l’âge et à des excès de table cette gravité postiche et forcée qu’on appelle en Angleterre respectability. Son embonpoint, que les hommes admiraient, gênait ses mouvements. Telle était sa véritable raison pour ne pas répondre à mes gentillesses : il resta calme et froid sur