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HISTOIRE

Je sentis à ces mots une sueur froide couvrir tous mes membres, et je voulus tenter un dernier effort.

Je rappelai au Chien et au Bœuf les dernières lois sur le duel et les peines portées contre les témoins.

— Revenez-vous de Pontoise ? me répondirent-ils ; et ne voyez-vous pas que ces lois ont été faites par des gens qui ont eu quelquefois l’occasion de ne pas se battre ? Tout cela n’empêchera pas les duels d’aller leur train. Quand on a de bonnes raisons pour s’égorger, on ne songe guère à M. le procureur général.

— Monsieur le Coq, dis-je à mon adversaire, on ne sait vraiment pas ce qui peut arriver : je suis si maladroit ! Si j’allais vous tuer, pensez à vos Poules ; j’en serais fâché pour elles. Faisons la paix, je vous en supplie.

Tout fut inutile : vingt-cinq pas furent comptés par mon témoin, auquel j’aurais souhaité des pattes de lévrier à la place de ses pattes de Bouledogue, et les pistolets furent chargés.

— Avez-vous l’habitude de cette arme ? me dit le Chien.

— Hélas ! oui ! lui répondis-je ; mais le Ciel m’est témoin que je n’ai jamais ajusté ni blessé personne.

Le sort devant désigner lequel des deux combattants tirerait le premier, le Chien se retourna un instant, et me présenta ses deux pattes de devant, dont l’une était mouillée.

Je pris la première venue, j’y voyais à peine ; le juste Ciel m’avait favorisé !