palement par la culture de l’esprit. À l’époque de la renaissance des lettres en Italie, les sciences étaient à Bologne ; les richesses étaient à Florence, à Gênes, à Venise.
L’Angleterre, de nos jours, doit ses immenses richesses moins aux lumières de ses savans, quoiqu’elle en possède de très-recommandables, qu’au talent remarquable de ses entrepreneurs pour les applications utiles, et de ses ouvriers pour la bonne et prompte exécution. L’orgueil national qu’on reproche aux anglais ne les empêche pas d’être la plus souple des nations lorsqu’il s’agit de se ployer aux besoins des consommateurs ; ils fournissent de chapeaux le nord et le midi, parce qu’ils savent les faire légers pour le midi, et chauds pour le nord. La nation qui ne sait les faire que d’une façon n’en vend pas ailleurs que chez elle.
L’ouvrier anglais seconde l’entrepreneur ; il est en général laborieux et patient ; il n’aime pas que l’objet de son travail sorte de ses mains avant d’avoir reçu de lui toute la précision, toute la perfection qu’il comporte. Il n’y met pas plus de temps ; il y met plus d’attention, de soin, de diligence, que la plupart des ouvriers des autres nations.
Au reste, il n’est point de peuple qui doive désespérer d’acquérir les qualités qui lui manquent pour être parfaitement industrieux. Il y a cent cinquante ans que l’Angleterre elle-même était si peu avancée qu’elle tirait de la Belgique presque toutes ses étoffes, et il n’y en a pas quatre-vingts que l’Allemagne fournissait des quincailleries à une nation qui maintenant en fournit au monde entier[1].
J’ai dit que l’agriculteur, le manufacturier, le négociant profitaient des connaissances acquises, et les appliquaient aux besoins des hommes ; pour le faire avec succès, ils ont besoin de quelques autres connaissances, qu’ils ne peuvent guère acquérir que dans la pratique de leur industrie, et qu’on pourrait appeler la science de leur état. Le plus habile naturaliste, s’il voulait amender lui-même sa terre, réussirait probablement moins bien que son fermier, quoiqu’il en sache beaucoup plus que lui. Un mécanicien très-distingué, quoiqu’il connût bien le mécanisme des machines à filer le coton, ferait probablement un assez mauvais fil
- ↑ Ce passage a été écrit en 1812. Il ne se fabriquait point de cotonnades en Angleterre au dix-septième siècle. On voit par les registres des douanes anglaises, qu’en 1705 la quantité de coton en laine importée ne s’élevait qu’à 1,170,880 livres de poids. En 1785, elle n’était encore que de 6,706,000 ; mais en 1790, elle fut portée à 23,941,000 ; et en 1817, à 151,931,200 livres, tant pour l’usage des fabriques anglaises que pour la réexportation.