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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE XI.

Un gouvernement qui emprunte, promet ou ne promet pas le remboursement du principal ; dans ce dernier cas, il se reconnaît débiteur envers le prêteur d’une rente qu’on nomme perpétuelle. Quant aux emprunts remboursables, ils ont été variés à l’infini. Quelquefois on a promis le remboursement par la voie du sort, sous la forme de lots, ou bien on a payé chaque année, avec la rente, une portion du principal, ou bien on a donné un intérêt plus fort que le taux courant, à condition que la rente serait éteinte par la mort du prêteur, comme dans les rentes viagères et les tontines. Dans les rentes viagères, la rente de chaque prêteur s’éteint avec sa vie ; dans les tontines, elle se répartit entre les prêteurs qui survivent, de manière que le dernier survivant jouit de la rente de tous les prêteurs avec lesquels il a été associé.

Les rentes viagères et les tontines sont des emprunts très-onéreux pour l’emprunteur, qui paie jusqu’à la fin le même intérêt, quoiqu’il se libère chaque année d’une portion du principal ; elles sont, de plus, immorales : c’est le placement des égoïstes : elles favorisent la dissipation des capitaux, en fournissant au prêteur un moyen de manger son fonds avec son revenu, sans risquer de mourir de faim.

Les gouvernemens qui ont le mieux entendu la matière de l’emprunt et de l’impôt, n’ont fait, du moins dans les derniers temps, aucun emprunt remboursable. Les créanciers de l’état, quand ils veulent changer de placement, n’ont d’autre moyen que de vendre le titre de leur créance ; ce qu’ils font plus au moins avantageusement, selon l’idée que l’acheteur a de la solidité du gouvernement débiteur de la rente[1]. De tels emprunts ont toujours été fort difficiles à faire pour les princes despotiques. Quand le pouvoir d’un prince est assez étendu pour qu’il puisse violer ses engagemens sans beaucoup de difficultés, quand c’est le prince qui contracte personnellement, et qu’on peut craindre que ses obligations ne soient pas reconnues par son successeur, les prêteurs répugnent à toute avance de fonds, à moins qu’elle n’ait un terme où leur imagination se repose.

Les créations d’offices où le titulaire est obligé de fournir une finance, ou un cautionnement dont le gouvernement lui paie un intérêt, sont des espèces d’emprunts perpétuels ; mais ils sont forcés. Une fois qu’on a tâté de cette ressource, quelque peu ridicule, on réduit en offices privilégiés,

  1. Voyez, au paragraphe suivant, comment les gouvernements peuvent éteindre une dette non-remboursable en la rachetant au cours.