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DISCOURS

jours, et qui sachent douter de ce qu’ils ne savent pas !

Cependant il faut tout attendre du temps : de même que la chaleur ne pénètre que par degrés une masse considérable et en gagnant successivement les molécules dont elle se compose, les lumières ne se répandent que de proche en proche dans ces masses d’hommes que nous nommons des nations. Rien ne peut suppléer à l’action du temps ; mais son influence est infaillible. Elle nous paraît lente parce que nous ne vivons qu’un instant ; mais elle est rapide si nous considérons la vie des nations.

La physique de Newton, unanimement rejetée en France durant cinquante années, est maintenant enseignée dans toutes nos écoles. On s’apercevra enfin qu’il est des études plus importantes encore que celle-là, si l’on mesure leur importance d’après l’influence qu’elles exercent sur le sort des hommes.

Maintenant on enseigne l’économie politique partout où l’on fait quelque cas des lumières. Elle était déjà professée dans les universités de l’Allemagne, de l’Écosse et de l’Italie ; elle le sera dorénavant avec beaucoup plus d’avantages et avec tous les caractères des études les plus certaines. Tandis que l’université d’Oxford se traîne encore sur ses vieux erremens, on crée à Londres[1] une nouvelle université où l’on ne professera que les connaissances usuelles, comme pour montrer l’extrême ridicule des institutions de ce genre où, à une époque remarquable par les plus étonnans progrès de l’esprit humain, on n’enseigne cependant que ce qu’on enseignait il y a trois siècles. Des cours particuliers d’économie politique ont lieu dans plusieurs villes, entre autres à Genève. Le gouvernement français s’est honoré en ordonnant l’établissement d’une chaire pour cette science à l’école de droit de Paris, où sa place était marquée ; et, ce qui

  1. Ceci a été écrit en 1826. (Note de l’éditeur.)