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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

munauté. En France, les terres labourables et les usines appartenant au public, sont en général louées à des particuliers ; les forêts nationales sont administrées par les agens du gouvernement. Les produits annuels de tous ces biens fournissent à une partie importante des consommations publiques.

Mais la majeure partie de ces consommations est payée avec le produit des contributions fournies par les citoyens ou sujets. Ils contribuent tantôt comme membres de tout l’état, et leur contribution se verse dans le trésor public, où se puisent les dépenses qui regardent l’état tout entier ; tantôt comme membres d’une province ou d’une commune, et leur contribution se verse dans la caisse provinciale ou communale, où se puisent les dépenses qui ne regardent que la province ou la commune.

Si l’équité commande que les consommations soient payées par ceux qui en jouissent, les pays les mieux administrés sous ce rapport, sont ceux où chaque classe de citoyens supporte les frais des consommations publiques, proportionnellement à l’avantage qu’elle en retire.

La société tout entière jouit des bienfaits de l’administration centrale, ou, si l’on veut, du gouvernement ; elle jouit de même tout entière de la protection des forces militaires ; car une province a beau être à l’abri de toute invasion, si l’ennemi s’empare du chef-lieu, du lieu, d’où l’on domine nécessairement sur tous les autres, il pourra imposer des lois aux provinces même qu’il n’aura pas envahies, et disposera de la vie et des biens de ceux mêmes qui n’auront jamais vu ses soldats. Par une suite nécessaire, les dépenses des places fortes, des ports militaires, des agens extérieurs de l’état, sont de nature à être supportées par la société tout entière.

L’administration de la justice paraît devoir être rangée dans la classe des dépenses générales, quoiqu’elle présente une protection, un avantage plus local. Un tribunal de Bordeaux qui saisit et qui juge un malfaiteur, ne travaille-t-il pas pour la sûreté de la France tout entière ? Les frais de prisons, de prétoires, suivent ceux des tribunaux. Smith veut que la justice civile soit payée par les plaideurs. Cette idée deviendrait plus praticable encore, si tous les jugemens étaient rendus, non par des tribunaux nommés d’office, mais par des arbitres choisis par les parties, entre un certain nombre d’hommes désignés à la confiance publique. Si ces arbitres, qui feraient toujours l’office d’un jury d’équité, étaient payés proportionnellement à la somme disputée, et sans égard à la durée de l’instruction, ils seraient intéressés à simplifier, à abréger les procès, pour