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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE VIII.

arcs de triomphe, les colonnes monumentales, c’est le luxe des nations : il n’est pas plus aisé de le justifier que le luxe des particuliers. La satisfaction creuse qu’en retire la vanité d’un peuple ou d’un prince, ne balance pas les frais, et trop souvent les larmes qu’elle coûte. Les actions utiles et vertueuses n’ont pas besoin de tant d’éclat. Sont-ce des succès militaires qu’on veut célébrer ? Quel monument élèvera-t-on qui dure autant que l’histoire ? Les trophées qu’un vainqueur s’érige à lui-même sont des insultes aux nations vaincues, qui peuvent presque toujours y répondre par des insultes semblables. Les peuples ont besoin de se donner des gages de paix, et non de guerre.

CHAPITRE VIII.

Par qui sont payées les Consommations publiques.

Il est rare, mais il n’est pas sans exemple de voir un citoyen faire les frais d’une consommation publique. Un hôpital fondé par lui, une route percée, un jardin public planté sur son terrain et à ses dépens, ne sont pas des munificences inconnues. Elles étaient beaucoup plus communes, mais bien moins méritoires chez les anciens. Leurs richesses étaient plus souvent le fruit des rapines exercées sur leurs concitoyens et sur leurs ennemis ; et les dépouilles mêmes des ennemis n’avaient-elles pas été gagnées au prix du sang des citoyens ? Chez les modernes, quoique de pareils excès ne soient pas sans exemples, les richesses des particuliers sont bien plus généralement le fruit de leur industrie et de leurs épargnes. En Angleterre, où il y a tant d’établissemens fondés et entretenus aux dépens des particuliers, la plupart des fortunes qui les soutiennent sont nées de l’industrie. Il y a bien plus de générosité à donner des biens amassés avec peine et augmentés par des privations, qu’à répandre ceux dont on ne doit rendre grâce qu’à sa bonne fortune, ou tout au plus à quelques instans d’audace.

Une autre partie des consommations publiques chez les romains se fesait immédiatement aux dépens des peuples vaincus. On leur imposait des tributs que les romains consommaient.

Chez la plupart des nations modernes, le public est propriétaire, soit la nation tout entière, soit les villes, bourgs et villages en particulier, de domaines que l’autorité publique loue ou administre au nom de la com-