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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

Les hôpitaux pour les malades, les hospices pour les vieillards et les enfans, déchargeant la classe indigente de l’entretien d’une partie de ses membres, lui permettent de se multiplier un peu plus et de se contenter de salaires un peu plus bas qu’elle ne ferait sans cette circonstance. Cette classe en masse, recevant de moins forts salaires en conséquence des secours qu’on lui offre, ne gagne rien aux établissemens de bienfesance ; ils coûtent quelque chose aux familles les moins malaisées et profitent seulement aux plus indigentes. Quant aux entrepreneurs d’industrie et peut-être aux consommateurs, s’ils obtiennent des produits à un peu meilleur compte, ils contribuent d’un autre côté, à fournir les secours qui occasionnent cette légère économie qu’ils font sur les salaires. Il paraît qu’en Angleterre le contingent fourni par les entrepreneurs, et surtout par les fermiers, pour la taxe des pauvres, excède l’économie qu’ils trouvent dans le prix des salaires.

Les secours qui paraissent le mieux placés, sont ceux qui ne peuvent pas multiplier le nombre des personnes secourues, et surtout ceux que la société donne aux hommes qui se sont dévoués pour sa défense. Quelque abondans que fussent les secours donnés aux sourds-muets et aux aveugles-nés, on ne peut supposer qu’ils se multiplient à cause des secours. Ils se trouvent sans doute plus nombreux en raison des soins qu’on leur donne et parce qu’il s’en conserve davantage ; mais leur nombre est nécessairement borné, et ils n’ont pas à se reprocher leurs malheurs. Les travaux dont on peut les rendre capables dans les établissemens communs, font que, dans ces établissemens, ils sont moins à charge à la société que s’ils se trouvaient répandus dans ses rangs.

Les secours accordés aux frais du public aux militaires invalides, n’augmentent pas non plus le nombre des secourus ; et d’ailleurs ces secours ne sont autre chose qu’une dette qu’on acquitte. Mais on peut examiner si, au lieu de ces fastueux hôpitaux élevés par la vanité plus encore que par la reconnaissance, il n’y aurait pas des moyens de répandre, sans plus de frais, des consolations plus efficaces[1].

En admettant même que dans la rigueur du droit, la société, comme corps politique, ne soit pas tenue de donner des secours aux infortunés

  1. L’Abbé de Saint-Pierre, qui n’était demeuré étranger à aucune vue de bien public, avait calculé que l’entretien de chaque vétéran dans le lourd et triste hôpital des Invalides à Paris, coûtait à l’état trois fois ce qu’il en aurait coûté pour l’entretenir dans son village. Voyez ses Annales politiques, année 1671.