Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/484

Cette page a été validée par deux contributeurs.
483
DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

Le manufacturier, le commerçant peuvent encore moins sacrifier un temps et des facultés dont toutes les portions, sauf les instans de relâche, sont nécessaires à la production qui soutient leur existence.

Les propriétaires des terres affermées pourraient encore, à la vérité, faire la guerre à leurs dépens, et c’est bien ce que font jusqu’à un certain point les nobles dans les monarchies ; mais la plupart des propriétaires, accoutumés aux douceurs de la civilisation, n’éprouvant jamais les besoins qui font concevoir et exécuter les grandes entreprises, peu susceptibles de cet enthousiasme qu’on n’éprouve jamais seul, et qui ne peut être général dans une nation nécessairement occupée ; les propriétaires, dis-je, ont, dans cet ordre de choses, toujours préféré de contribuer à la défense de la société plutôt par le sacrifice d’une partie de leurs revenus, que par celui de leur repos et de leur vie. Les capitalistes partagent les goûts, les besoins et l’opinion des propriétaires fonciers.

De là les contributions qui, dans presque tous les états modernes, ont mis le prince ou la république en état de salarier des soldats dont tout le métier est de garder le pays, de le défendre contre les agressions des autres puissances, et trop souvent d’être les instrumens des passions et de la tyrannie de leurs chefs.

La guerre, devenue un métier, participe comme tous les autres arts aux progrès qui résultent de la division du travail : elle met à contribution toutes les connaissances humaines. On ne peut y exceller, soit comme général, soit comme ingénieur, soit comme officier, soit même comme soldat, sans une instruction quelquefois fort longue et sans un exercice constant. Aussi, en exceptant les cas où l’on a eu à lutter contre l’enthousiasme d’une nation tout entière, l’avantage est-il toujours demeuré aux troupes les mieux aguerries, à celles dont la guerre était devenue le métier. Les Turcs, malgré leur mépris pour les arts des chrétiens, sont obligés d’être leurs écoliers dans l’art de la guerre, sous peine d’être exterminés. Toutes les armées de l’Europe ont été forcées d’imiter la tactique des Prussiens ; et lorsque le mouvement imprimé aux esprits par la révolution française, a perfectionné, dans les armées de la