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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE VI.

le gouvernement exerce une immense influence sur les progrès ou la décadence de la nation. Qu’un particulier s’imagine augmenter ses ressources en les dissipant, qu’il croie se faire honneur par la prodigalité, qu’il ne sache pas résister à l’attrait d’un plaisir flatteur ou aux conseils d’un ressentiment même légitime, il se ruinera, et son désastre influera sur le sort d’un petit nombre d’individus. Dans un gouvernement, il n’est pas une de ces erreurs qui ne fasse plusieurs millions de misérables, et qui ne soit capable de causer la décadence d’une nation. Si l’on doit désirer que les simples citoyens soient éclairés sur leurs véritables intérêts, combien, à plus forte raison, ne doit-on pas le désirer des gouvernemens ! L’ordre et l’économie sont déjà des vertus dans une condition privée ; mais quand ces vertus se rencontrent dans les hommes qui président aux destinées de l’état, et qu’elles font la prospérité de tout un peuple, on ne sait quel magnifique nom leur donner.

Un particulier sent toute la valeur de la chose qu’il consomme ; souvent c’est le fruit pénible de ses sueurs, d’une longue assiduité, d’une épargne soutenue ; il mesure aisément l’avantage qu’il doit recueillir d’une consommation, et la privation qui en résultera pour lui. Un gouvernement n’est pas si directement intéressé à l’ordre et à l’économie ; il ne sent pas