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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE VI.

gères aux meilleures têtes, même dans le dix-huitième siècle, que le roi de Prusse, Frédéric II, homme si avide de la vérité, si capable de la sentir, si digne de la protéger, écrivait à D’Alembert pour justifier ses guerres : « Mes nombreuses armées font circuler les espèces, et répandent dans les provinces, avec une distribution égale, les subsides que les peuples fournissent au gouvernement. » Non, encore une fois, les subsides fournis au gouvernement par les provinces, n’y retournent pas. Soit que les subsides soient payés en argent ou en nature, ils sont changés en munitions de guerre ou de bouche, et, sous cette forme, consommés, détruits par des gens qui ne les remplacent pas, parce qu’ils ne produisent aucune valeur[1]. Il fut heureux pour la Prusse que les actions de Frédéric II ne fussent pas conséquentes avec ses principes. Il fit plus de

  1. Pour l’approvisionnement d’une armée, deux valeurs entrent dans les mains du gouvernement ou de ses agens : 1o la valeur des subsides payés par les sujets ; 2o la valeur des approvisionnemens procurés par les fournisseurs. Ceux qui fournissent la première de ces valeurs (les contribuables) ne reçoivent point de compensation ; ceux qui fournissent la seconde (les fournisseurs) reçoivent une contre-valeur, qui est leur paiement ; mais cette contre-valeur ne suffit pas pour que les écrivains soient autorisés à dire que le gouvernement rend d’une main ce qu’il reçoit de l’autre ; qu’il n’y a dans tout cela qu’une circulation, et que la nation n’a rien perdu. Ce que le gouvernement a reçu est égal à deux ; ce qu’il a restitué est égal seulement à un. La perte de la seconde unité tombe sur le contribuable ; et comme les fortunes réunies de tous les contribuables forment la fortune de la nation, la fortune nationale est diminuée de tout le montant des consommations faites par le gouvernement, moins ce que le gouvernement a reproduit par les établissemens publics, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant.