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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

reproductive, on gagne donc autant par ce que l’on consomme de moins, que par ce que l’on produit de plus. À la Chine, on épargne beaucoup sur l’ensemencement des terres, par la méthode qu’on suit de planter le grain au lieu de le semer à la volée. L’effet qui en résulte est précisément comme si les terres à la Chine étaient plus productives que celles d’Europe[1].

Dans les arts, quand la matière première est de nulle valeur, elle ne fait pas partie des consommations qu’ils nécessitent ; ainsi la pierre calcaire détruite par le chaufournier, le sable qu’emploie le verrier, ne sont pas des consommations s’ils n’ont pas de valeur.

Une épargne faite sur les services productifs de l’industrie, des capitaux et des terres, est une épargne aussi réelle qu’une épargne faite sur l’emploi de la matière première. On épargne sur les services productifs de l’industrie, des capitaux et des terres ; soit en tirant plus de service des mêmes moyens de production, soit en absorbant moins de moyens de production pour obtenir les mêmes produits.

Toutes ces épargnes, au bout de peu de temps, tournent en général au profit de la société ; elles diminuent les frais de production ; et la concurrence des producteurs fait ensuite baisser, au niveau de ces frais, le prix des produits à mesure que les économies deviennent plus connues, et d’un usage plus général. Mais aussi, et par cette raison même, ceux qui ne savent pas user aussi économiquement que les autres, des moyens de production perdent où les autres gagnent. Que de manufacturiers se sont ruinés, parce qu’ils ne savaient travailler qu’à grands frais, dans des bâtimens fastueux, et avec des outils trop multipliés ou trop chers, et par conséquent avec des capitaux plus considérables que ceux qu’employaient d’autres manufacturiers, pour ne pas obtenir plus de produits !

Heureusement que l’intérêt personnel est, dans la plupart des cas, le premier et le plus vivement affecté de ces pertes. C’est ainsi que la douleur avertit nos membres des lésions dont il faut qu’ils se garantissent. Si le producteur maladroit n’était pas le premier puni des pertes dont il est l’auteur, nous verrions bien plus souvent encore risquer de fausses spéculations. Un mauvais spéculateur est aussi fatal à la prospérité générale qu’un dissipateur. Un négociant qui dépense cinquante mille francs pour en gagner trente, et un homme du grand monde qui dépense vingt

  1. Une des personnes attachées à l’ambassade de Macartney calcula que ce qui était, par cette méthode, épargné de grain dans l’empire de Chine, serait suffisant pour nourrir toute la Grande-Bretagne.