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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

veaux tributs, qui force les citoyens à faire le sacrifice d’une partie de leurs capitaux, et qui par conséquent diminue les moyens généraux de subsistance et de reproduction répandus dans la société, un tel gouvernement, non-seulement empêche de naître, mais on peut dire qu’il massacre ; car rien ne retranche plus efficacement les hommes, que ce qui les prive de leurs moyens d’exister.

On s’est beaucoup plaint du tort que les couvens font à la population, et l’on a eu raison ; mais on s’est mépris sur les causes : ce n’est pas à cause du célibat des religieux, c’est à cause de leur oisiveté : ils font travailler à leurs terres, dit-on ; voilà une belle avance ! Les terres resteraient-elles en friche si les moines venaient à disparaître ? Bien au contraire ; partout où les moines ont été remplacés par des ateliers d’industrie, comme nous en avons vu plusieurs exemples dans la révolution française, le pays a gagné tous les mêmes produits agricoles, et de plus ceux de son industrie manufacturière ; et le total des valeurs produites étant par là plus considérable, la population de ces cantons s’est accrue.

Si la population dépend de la quantité des produits, c’est une estimation très-imparfaite pour en juger, que le nombre des naissances. Là où l’industrie et les produits augmentent, les naissances, plus multipliées à proportion des habitans déjà existans, donnent une évaluation trop forte. Dans les pays qui déclinent, au contraire, la population excède le nombre indiqué par les naissances.

Une autre conséquence de ce qui précède, c’est que les habitans d’un pays ne sont pas plus mal pourvus des choses nécessaires à la vie quand leur nombre s’augmente, ni mieux pourvus quand leur nombre diminue. Leur sort dépend de la quantité des produits dont ils disposent, et ces produits peuvent être abondans pour une nombreuse population, tout comme ils peuvent être rares pour une population clair-semée. La disette ravageait l’Europe au moyen âge plus souvent que dans ce temps-ci, où l’Europe est évidemment plus populeuse. L’Angleterre, sous le règne d’Élisabeth, n’était pas si bien pourvue qu’elle l’est, quoi qu’elle eût moitié moins d’habitans ; et l’Espagne nourrit mal sept à huit millions d’habitans, après avoir entretenu une immense population au temps des Romains[1] et des Maures.

Quelques auteurs[2] ont dit qu’une grande population était le signe as-

  1. Nec numero Hispanos, nec robore Gallos, etc. (Cic., de Harusp.)
  2. Wallace, Condorcet, Godwin.