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LIVRE SECOND. — CHAPITRE IX.

taires de ces premiers terrains peuvent dès-lors faire leur profit de cet excédant.

Voilà, selon David Ricardo, la source du profit du propriétaire (rent). Il étend le même raisonnement aux différentes qualités des terres. Les unes excédent beaucoup plus que les autres en qualité les plus mauvais terrains mis en culture ; mais ce n’est jamais que la nécessité de cultiver ceux-ci pour satisfaire aux besoins de la société, qui procure un profit aux autres et permet d’en tirer un loyer. Il en déduit la conséquence que le profit foncier ne doit pas être compris dans les frais de production ; qu’il ne fait pas, qu’il ne peut pas faire, le moins du monde, partie du prix du blé[1].

Or, qui ne voit que si l’étendue des besoins de la société porte le prix du blé à un prix qui permet de cultiver les plus mauvais terrains, pourvu qu’on y trouve le salaire de ses peines et le profit de son capital, c’est l’étendue des besoins de la société et le prix qu’elle est en état de payer pour avoir du blé, qui permet qu’on trouve un profit foncier sur les terres meilleures ou mieux situées ? C’est aussi le principe établi dans tout le cours de cet ouvrage.

Dire que ce sont les mauvaises terres qui sont la cause du profit que l’on fait sur les bonnes, c’est présenter la même idée d’une façon qui me semble moins heureuse ; car le besoin qu’on éprouve d’une chose est une cause directe du prix que l’on consent à payer pour la posséder ; et si les besoins de la société n’étaient pas portés à ce point, ou si elle n’était pas en état de faire un si grand sacrifice, quelque énorme que fût la dépense nécessaire pour fertiliser un sol aride, on ne le cultiverait pas : ce qui nous ramène à ce principe déjà établi, que les frais de production ne sont pas la cause du prix des choses, mais que cette cause est dans les besoins que les produits peuvent satisfaire[2].

On voit que la controverse élevée par Ricardo sur ce point, n’est guère autre chose qu’une dispute de mots ; et je ne sais pas trop sur quel fon-

  1. Rent does not and cannot enter, in the least degree, as a component part of its price (of corn). Ricardo, ch. 2.
  2. David Ricardo, dans le même chapitre, montre très-bien que le profit foncier n’est pas la cause, mais l’effet du besoin qu’on a de blé ; et les raisons qu’il en apporte peuvent servir à prouver contre lui que les autres frais de production, notamment les salaires du travail, ne sont pas davantage la cause, mais l’effet du prix courant des produits.