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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

la quantité des capitaux disponibles, elle tient aux épargnes précédemment faites. Je renvoie pour cela à ce que j’ai dit sur la formation des capitaux[1].

Quand on veut que tous les capitaux qui demandent des emprunteurs, et que toutes les industries qui réclament des capitaux trouvent de part et d’autre de quoi se satisfaire, on laisse la plus grande liberté de contracter dans tout ce qui tient au prêt à intérêt. Au moyen de cette liberté, il est difficile que des capitaux disponibles restent sans être employés, et il devient dès-lors présumable qu’il y a autant d’industrie mise en activité que le comporte l’état actuel de la société.

Mais il convient de donner une très-grande attention à ces mots : la quantité des capitaux disponibles ; car c’est cette quantité seulement qui influe sur le taux de l’intérêt ; c’est des seuls capitaux dont on peut et dont on veut disposer, qu’on peut dire qu’ils sont dans la circulation ; un capital dont l’emploi est trouvé et commencé, n’étant plus offert, ne fait plus partie de la masse des capitaux qui sont dans la circulation ; son prêteur n’est plus en concurrence avec les autres prêteurs, à moins que l’emploi ne soit tel que le capital puisse être facilement réalisé de nouveau pour être appliqué à un autre emploi.

Ainsi, un capital prêté à un négociant et qu’on peut retirer de ses mains en le prévenant peu de temps d’avance, et encore mieux un capital employé à escompter des lettres de change (ce qui est un moyen de prêter au commerce), sont des capitaux facilement disponibles, et qu’on peut consacrer à tout autre emploi qu’on jugerait préférable.

Il en est à peu près de même d’un capital que son maître emploierait par lui-même à un commerce facile à liquider, comme celui des épiceries. La vente des marchandises de ce genre, au cours, est une opération

  1. On a remarqué que l’intérêt est un peu moins élevé dans les villes que dans les campagnes. (Smith, Rich. des Nat., liv. 1, ch. 9.) la raison en est simple : les capitaux sont communément entre les mains des gens riches qui résident dans les villes, ou qui du moins s’y rendent pour leurs affaires ; ils y tiennent la denrée dont ils sont marchands, c’est-à-dire, les services des capitaux, et n’aiment pas à voir les leurs employés trop loin de leurs yeux. Les villes, et surtout les villes principales, sont les grands marchés pour les capitaux, peut-être plus que pour l’industrie elle-même ; aussi l’industrie s’y paie-t-elle plus cher que les capitaux. Dans les campagnes, où il y a peu de capitaux qui ne soient engagés, c’est le contraire. Aussi se plaint-on beaucoup de l’usure dans les campagnes : il y en aurait moins, si l’on y accordait honneur et sûreté au métier de prêteur.