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LIVRE SECOND. — CHAPITRE VII.

sissent, que l’ouvrier considère cette précaution comme d’absolue nécessité ; qu’il regarde l’obligation de porter ses épargnes à la caisse de l’association, comme aussi indispensable que le paiement de son loyer ou de ses impositions : il en résulte alors un taux nécessairement un peu plus élevé dans les salaires pour qu’ils puissent suffire à ses accumulations ; ce qui est un bien.

Il est fâcheux que les lois, qui devraient favoriser l’épargne, lui soient contraires quelquefois, comme lorsqu’elles mettent les loteries au nombre des ressources habituelles du fisc, et ouvrent dans toutes les rues des bureaux où des chances très-séduisantes, mais trompeuses, sont offertes aux plus petites mises, et attirent ainsi chaque année au fisc, c’est-à-dire à la destruction, des millions qui pourraient s’accumuler et répandre l’aisance et la consolation sur les vieux jours de l’ouvrier.

Une politique coupable, qui, dans le but d’étourdir le peuple sur son sort, l’excite à porter dans les tavernes ce qu’il pourrait mettre de côté, n’est pas moins contraire à son bien-être. Les vains et dispendieux amusemens des riches ne peuvent pas toujours se justifier aux yeux de la raison ; mais combien ne sont pas plus désastreuses les folles dissipations du pauvre ! La joie des indigens est toujours assaisonnée de larmes, et les orgies de la populace sont des jours de deuil pour le philosophe.

Indépendamment des raisons exposées au paragraphe précédent et dans celui-ci, et qui expliquent pourquoi les gains d’un entrepreneur d’industrie (même de celui qui ne fait aucun profit comme capitaliste) s’élèvent en général plus haut que ceux d’un simple ouvrier, il en est encore d’autres, moins légitimes sans doute dans leur fondement, mais dont il n’est pas permis de méconnaître l’influence.

Les salaires de l’ouvrier se règlent contradictoirement par une convention faite entre l’ouvrier et le chef d’industrie : le premier cherche à recevoir le plus, le second à donner le moins qu’il est possible ; mais dans cette espèce de débat, il y a du côté du maître un avantage indépendant de ceux qu’il tient déjà de la nature de ses fonctions. Le maître et l’ouvrier ont bien également besoin l’un de l’autre, puisque l’un ne peut faire