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LIVRE SECOND. — CHAPITRE VII.

§ IV. — Des profits de l’Ouvrier[1].

Les travaux simples et grossiers pouvant être exécutés par tout homme, pourvu qu’il soit en vie et en santé, la condition de vivre est la seule requise pour que de tels travaux soient mis dans la circulation. C’est pour cela que le salaire de ces travaux ne s’élève guère, en chaque pays, au-delà de ce qui est rigoureusement nécessaire pour y vivre, et que le nombre des concurrens s’y élève toujours au niveau de la demande qui en est faite, et trop souvent l’excède ; car la difficulté n’est pas de naître, c’est de subsister. Du moment qu’il ne faut que subsister pour s’acquitter d’un travail, et que ce travail suffit pour pourvoir à cette subsistance, l’homme capable d’un semblable travail ne tarde pas à exister.

Il y a cependant ici une remarque à faire. L’homme ne naît pas avec la taille et la force suffisantes pour accomplir le travail même le plus facile. Cette capacité, qu’il n’atteint qu’à l’âge de quinze ou vingt ans, plus ou moins, peut être considérée comme un capital qui ne s’est formé que par l’accumulation annuelle et successive des sommes consacrées à l’élever[2]. Par qui ces sommes ont-elles été accumulées ? C’est communément par les parens de l’ouvrier, par des personnes de la profession qu’il suivra, ou d’une profession analogue. Il faut donc que, dans cette profession, les ouvriers gagnent un salaire un peu supérieur à leur simple existence ; c’est-à-dire qu’ils gagnent de quoi s’entretenir, et, de plus, de quoi élever leurs enfans.

Si le salaire des ouvriers les plus grossiers ne leur permettait pas d’entretenir une famille et d’élever des enfans, le nombre de ces ouvriers ne

  1. Je désigne ici, par le nom d’ouvrier, principalement celui qui travaille pour le compte d’un entrepreneur d’industrie ; car, quant à celui qui travaille manuellement pour son compte, comme un savetier en échoppe, un rémouleur, il est à la fois un petit entrepreneur et un ouvrier, et ses profits se règlent en partie d’après ce que j’ai dit dans le paragraphe précédent, et en partie d’après ce que je dois dire dans celui-ci.

    De plus, je préviens que les ouvriers dont il est question dans ce paragraphe-ci, sont ceux dont l’ouvrage n’exige point ou presque point d’étude ; car du moment qu’ils ont un talent quelconque, leurs profits s’élèvent par l’un ou l’autre des motifs déduits au § Ier de ce chapitre.

  2. Je dis accumulation, quoique les sommes employées à élever l’ouvrier aient été dépensées ; elles ont été dépensées productivement, puisqu’elles ont produit un homme, qui est un capital accumulé.