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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

verses monnaies et leurs valeurs relatives, qu’on nomme le cours des changes. Il faut connaître les moyens de transport, la mesure des risques qu’ils entraînent, le montant des frais qu’ils occasionnent ; les usages, les lois qui gouvernent les peuples avec qui l’on a des relations ; enfin il faut avoir assez de connaissance des hommes pour ne point se tromper dans les confiances qu’on leur accorde, dans les missions dont on les charge, dans les rapports quelconques qu’on entretient avec eux. Si les connaissances qui font un bon fermier sont plus communes que celles qui font un bon négociant, faut-il s’étonner que les travaux du premier reçoivent un faible salaire en comparaison de ceux du second ?

Ce n’est pas à dire que l’industrie commerciale, dans toutes ses branches, exige des qualités plus rares que l’industrie agricole. Il y a tel marchand en détail qui suit par routine, comme la plupart des fermiers, une marche fort simple dans l’exercice de sa profession, tandis qu’il y a tel genre de culture qui demande un soin, une sagacité peu communs. C’est au lecteur à faire les applications. Je cherche à poser des principes ; on en peut ensuite tirer une foule de conséquences plus ou moins modifiées par des circonstances, qui sont elles-mêmes les conséquences d’autres principes établis dans d’autres parties de cet ouvrage. De même, en astronomie, on vous dit que toutes les planètes décrivent des aires égales dans un même espace de temps ; mais celui qui veut prévoir avec quelque exactitude un phénomène en particulier, doit tenir compte des perturbations qu’elles reçoivent du voisinage des autres planètes, dont les forces attractives dérivent d’une autre loi de physique générale. C’est à la personne qui veut faire l’application des lois générales à un cas déterminé, à tenir compte de l’influence de chacune de celles dont l’existence est reconnue.

Nous verrons, en parlant des profits de l’ouvrier, quel avantage donne sur lui au chef d’entreprise la position de l’un et de l’autre ; mais il est bon de remarquer les autres avantages dont un chef d’entreprise, s’il est habile, peut tirer parti. Il est l’intermédiaire entre toutes les classes de producteurs, et entre ceux-ci et le consommateur. Il administre l’œuvre de la production ; il est le centre de plusieurs rapports ; il profite de ce que les autres savent et de ce qu’ils ignorent, et de tous les avantages accidentels de la production. C’est aussi dans cette classe de producteurs, quand les événemens secondent leur habileté, que s’acquièrent presque toutes les grandes fortunes.