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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

l’excédant de ses ventes sur ses achats. De même, quand la France envoie pour dix mille francs de soieries au Brésil et qu’elle en reçoit pour douze mille francs de cotons, on ne saurait compter dans les productions de la France, tout à la fois les dix mille francs de soieries et les douze mille francs de cotons. Les soieries font partie de sa production manufacturière ; mais une fois qu’on les a envoyées à l’étranger, elles n’existent plus pour elle. Sa production commerciale ne consiste donc que dans les deux mille francs qui forment l’excédant de ses retours sur ses envois. Ce qu’elle a payé pour les cotons fait partie des revenus de la nation brésilienne.

Si tous les peuples de la terre ne formaient qu’une seule nation, ce que j’ai dit de la production intérieure d’une seule nation serait vrai pour cette république universelle ; ses revenus seraient égaux à la valeur brute de tous ses produits. Mais du moment que l’on considère séparément les intérêts de chaque peuple, il convient d’admettre la restriction que je viens d’indiquer. Elle nous apprend qu’un peuple qui importe des marchandises pour une plus grande valeur qu’il n’en exporte, augmente ses revenus de tout l’excédant, puisque cet excédant compose les profits de son commerce avec l’étranger. Quand une nation exporte pour cent millions de marchandises, et qu’elle en importe pour cent vingt millions (ce qui peut fort bien arriver sans qu’il y ait aucun envoi de numéraire de part ni d’autre), elle fait un profit de 20 millions, contre l’opinion de ceux qui croient encore à la balance du commerce[1].

Quoique beaucoup de produits n’aient pas une longue durée, et soient consommés avant l’année révolue… que dis-je ? Soient consommés à l’instant même de leur production, comme les produits immatériels, leur valeur n’en fait pas moins partie du revenu annuel d’un pays. Ne sont-ce pas des valeurs produites qui ont été consommées pour satisfaire quelques-uns de nos besoins ? Quelle condition faut-il de plus pour en faire des revenus ?

Pour évaluer les revenus d’un particulier, d’une nation, on se sert du même artifice par lequel on évalue toute autre somme de valeurs qui nous apparaissent sous des formes diverses, comme une succession. On

  1. Ce profit nait de l’augmentation de valeur qu’éprouvent les marchandises nationales une fois qu’elles sont arrivées à l’étranger, et de l’augmentation de valeur que les marchandises étrangères achetées en retour éprouvent lorsqu’elles sont amenées chez nous.