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LIVRE SECOND. — CHAPITRE II.

Je supposerai que, dans le temps qu’on était obligé de faire des bas à l’aiguille, une paire de bas de fil, d’une qualité donnée, revenait au prix que nous désignons maintenant par six francs la paire. Ce serait pour nous la preuve que les revenus fonciers de la terre où le lin était recueilli, les profits de l’industrie et des capitaux de ceux qui le cultivaient, les profits de ceux qui le préparaient et le filaient, les profits enfin de la personne qui tricotait les bas, s’élevaient en somme totale à six francs pour chaque paire de bas.

On invente le métier à bas : dès-lors je suppose qu’on obtient pour six francs deux paires de bas au lieu d’une. Comme la concurrence fait baisser le prix courant au niveau des frais de production, ce prix est une indication que les frais causés par l’emploi du fonds, des capitaux et de l’industrie nécessaires pour faire deux paires de bas, ne sont encore que de six francs. Avec les mêmes moyens de production, on a donc obtenu deux choses au lieu d’une.

Et ce qui démontre que cette baisse est réelle, c’est que tout homme, quelle que soit sa profession, peut acheter une paire de bas en donnant moitié moins de ses services productifs. En effet, un capitaliste qui avait un capital placé à cinq pour cent, était obligé, lorsqu’il voulait acheter une paire de bas, de donner le revenu annuel de 120 francs : il n’est plus obligé de donner que le revenu de 60 francs. Un commerçant à qui le sucre revenait à deux francs la livre, était obligé d’en vendre trois livres pour acheter une paire de bas : il n’est plus obligé d’en vendre qu’une livre et demie ; il n’a par conséquent fait le sacrifice que de la moitié des moyens de production qu’il consacrait auparavant à l’achat d’une paire de bas.

Jusqu’à présent c’est le seul produit qui, dans notre hypothèse, a baissé. Fesons une supposition pareille pour le sucre. On perfectionne les relations commerciales, et une livre de sucre ne coûte plus qu’un franc au lieu de deux. Je dis que tous les acheteurs de sucre, en y comprenant même le fabricant de bas, dont les produits ont baissé aussi, ne seront plus obligés de consacrer à l’achat d’une livre de sucre, que la moitié des services productifs par le moyen desquels ils achetaient le sucre auparavant.

Il est aisé de s’en convaincre. Lorsque le sucre était à deux francs la livre et les bas à six francs, le fabricant de bas était obligé de vendre une paire de bas pour acheter trois livres de sucre ; et comme les frais de production de cette paire de bas avaient une valeur de six francs, il achetait