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LIVRE SECOND. — CHAPITRE I.

seulement plus de services productifs, mais des services productifs plus fortement rétribués. Il faudra, pour que ce produit puisse être créé, que ses consommateurs aient la volonté et le pouvoir d’y mettre le prix ; autrement il ne sera pas produit.

Ce prix s’élèvera d’autant plus que les consommateurs sentiront plus vivement le besoin de jouir du produit, qu’ils auront plus de moyens de le payer, et que les marchands de services productifs seront dans une situation à exiger une rétribution plus forte. Le prix du produit sera dès-lors la somme nécessaire pour payer les services indispensables pour sa création. Ainsi, lorsque quelques auteurs, comme David Ricardo, ont dit que c’étaient les frais de production qui réglaient la valeur des produits, ils ont eu raison en ce sens, que jamais les produits ne sont vendus d’une manière suivie à un prix inférieur à leurs frais de production ; mais quand ils ont dit que la demande qu’on fait des produits n’influait pas sur leur valeur, ils ont eu, ce me semble, tort en ceci, que la demande influe sur la valeur des services productifs, et, en augmentant les frais de production, élève la valeur des produits sans pour cela qu’elle dépasse les frais de production[1].

Quelques économistes pensent que la valeur des produits, non-seulement ne dépasse pas le prix du travail qu’on y a consacré, mais que partout où il n’y a pas monopole, le travail est également payé ; car, disent-ils, s’il était plus payé dans un emploi que dans l’autre, les travailleurs s’y porteraient de préférence et rétabliraient l’équilibre. Ces auteurs sont d’avis qu’une rétribution plus forte suppose toujours une plus grande quantité ou une plus grande intensité de travail. « Un homme, dit M. Mac-Culloch, qui exécute un ouvrage difficile, perd tout le temps qu’il a dû passer à son apprentissage, de même que la nourriture et le vêtement qu’il a consommés dans cet espace de temps[2]. » Il en conclut que le salaire de son travail est non-seulement le salaire de son travail actuel, mais celui de tous les travaux qui l’ont mis en état d’exécuter son travail actuel, et que les salaires gagnés en différens emplois sont, tout compensé, parfaitement égaux. D’autres économistes qui soutiennent le même système, quoique moins absolument, regardent comme des exceptions les phénomènes qui le contrarient ; mais ces prétendues exceptions

  1. Voyez les notes que j’ai ajoutée à la traduction française que M. Constancio a faite de l’ouvrage de David Ricardo, tome II, page 294.
  2. Encyclopedia britannica, supplément, article Économie politique.