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LIVRE SECOND. — CHAPITRE I.

ferte au cours, au prix courant, celle qui, par ses frais de production, reviendrait plus cher que le cours, ne sera pas produite, ne sera pas offerte. Ces produits ne pouvant entrer dans la circulation, leur concurrence n’est point à redouter pour les produits déjà existans.

Indépendamment de ces causes générales et permanentes qui bornent les quantités offertes et demandées, il y en a de passagères et accidentelles, dont l’action se combine toujours plus ou moins avec l’action des causes générales.

Quand l’année s’annonce pour être bonne et fertile en vins, les vins des récoltes précédentes, même avant qu’on ait pu livrer à la consommation une seule goutte de la récolte nouvelle, baissent de prix, parce qu’ils sont plus offerts et moins demandés. Les marchands redoutent la concurrence des vins nouveaux, et se hâtent de mettre en vente. Les consommateurs, par la raison contraire, épuisent leurs provisions sans les renouveler, se flattant de les renouveler plus tard à moins de frais. Quand plusieurs navires arrivent à la fois des pays lointains, et mettent en vente d’importantes cargaisons, l’offre des mêmes marchandises devenant plus considérable relativement à la demande, leur prix se fixe plus bas.

Par une raison contraire, lorsqu’on a lieu de craindre une mauvaise récolte, ou que des navires qu’on attendait ont fait naufrage, les prix des produits existans s’élèvent au-dessus des frais qu’ils ont coûté.

L’espérance, la crainte, la malice, la mode, l’envie d’obliger, toutes les passions et toutes les vertus, peuvent influer sur les prix qu’on donne ou qu’on reçoit. Ce n’est que par une estimation purement morale qu’on peut apprécier les perturbations qui en résultent dans les lois générales, les seules qui nous occupent en ce moment.

Nous ne nous occuperons point non plus des causes purement politiques qui font qu’un produit est payé au-delà de son utilité réelle. Il en est de cela comme du vol et de la spoliation qui jouent un rôle dans la distribution des richesses, mais qui rentrent dans le domaine de la législation criminelle. Ainsi l’administration publique, qui est un travail dont le produit se consomme à mesure par les administrés, peut être trop chèrement payée quand l’usurpation et la tyrannie s’en emparent, et contraignent les peuples à contribuer d’une somme plus forte qu’il ne serait nécessaire pour entretenir une bonne administration. C’est à la science politique, et non à l’économie politique, à enseigner les moyens de prévenir ce malheur.

De même, quoique ce soit à la science morale, à la science de l’homme